A la fin du 1er millénaire, des habitants se seraient établis au bout de la vallée de l’Arc. Ils découvrirent des mines de fer, comme celle des Sarrasins, sur les hauteurs de Valfréjus. En exploitant ces minerais, ils finirent par accumuler d’immenses richesses, en particulier ceux de Faudan, un petit village entre Bonneval sur Arc et l’Ecot. Ils étaient si riches que tous les dimanches, ils passaient le temps avec un jeu, ancêtre de la pétanque, en utilisant… des boules en or pur !
Une telle opulence entraîna vite, chez les habitants de Faudan, un relâchement complet de la foi et des mœurs. Emu de cet état de fait, le père supérieur de l’abbaye de la Novalaise, en Piémont, envoya un saint homme, le moine Landry, pour ramener à Dieu ces mécréants de Haute Maurienne, et spécifiquement de Faudan.
Ramener à Dieu ces mécréants de Faudan
Mais rien ne se passa comme prévu. Non seulement les habitants de Faudan n’écoutèrent le moine mais… ils finirent même par l’assommer puis par le précipiter dans le torrent ! Les eaux de l’Arc, particulièrement tumultueuses à cet endroit, emportèrent le corps du moine jusqu’à une caverne située au pied de Lanslevillard. Les cloches de ce village se mirent aussitôt à sonner à toute volée. Alertés, les habitants de Lanselvillard eurent juste le temps de sortir de chez eux pour voir la croix de procession surgir d’elle-même de l’église ! Stupéfaits, ils suivirent la croix qui les conduisit jusqu’à la rivière et la caverne où ils recueillirent le corps du moine.
Le martyre de Landry
Des cloches qui sonnent toutes seules, une croix qui vole et guide des paroissiens : un miracle ! Mais pour les habitants de Faudan qui, non seulement ne furent pas émus par cette épisode, mais n’éprouvèrent aucun remords ! Ils poursuivirent leur vie de débauche et oublièrent bien vite Landry.
Le temps passa et seule Marguerite, une vieille femme qui vivait dans une pauvre masure à l’écart des maisons de Faudan, était affectée par la situation.
Un an, très exactement, après le meurtre de Landry, un vieillard, accablé de fatigue, vaincu par le froid, la faim et le vent, arriva à Faudan. Il s’était égaré dans les montagnes de Haute Maurienne et titubait d’épuisement. Encore un peu et il tombait inanimé au bord du sentier.
Le voyageur, épuisé, frappa à la première porte, à la suivante, puis à toutes les portes du village, quémandant en vain un morceau de pain et un peu de paille pour la nuit. Partout, il fut éconduit à coups de railleries. Il fut même parfois chassé à coups de bâton. Désespéré, il traversa tout le village. Il avait de plus en plus froid, de plus en plus faim et il s’affaissa sur une pierre, à la sortie de Faudan.
La masure de Marguerite pour seul refuge
La masure de la Marguerite était toute proche. Elle aperçut le pauvre homme et l’invita aussitôt à pénétrer dans sa modeste demeure. Elle ranima le foyer pour qu’il puisse se réchauffer et lui proposa un fromage de son unique chèvre. Puis elle accrocha, au-dessus des braises, une marmite de fonte dans laquelle il restait un peu de soupe.
Après s’être occupé du voyageur, Marguerite s’excusa pour le piètre repas :
– C’est tout ce que je peux vous offrir. Mais mangez de bon cœur, un bon chrétien doit partager avec autrui le peu qu’il possède.
Lorsqu’ils eurent achevé leur simple repas, l’égaré prévint son hôtesse.
– Cette nuit, tu vas entendre un grand bruit, n’aie pas peur et prie Dieu d’avoir pitié de ces mécréants de Faudan.
Sur ces étranges paroles, le voyageur quitta son hôte. Alors que Marguerite lui proposait de rester à l’abri, il disparu dans nuit. Troublée, Marguerite mit du temps à trouver le sommeil. Et vers minuit, elle fut réveillée en sursaut. Dans un fracas d’apocalypse, la montagne s’écroulait. Les murs tremblaient mais sa maison tint bon. Au lever du jour, lorsqu’elle ouvrit la porte de sa masure, elle ne put que constater la catastrophe : que le village avait tout simplement disparu. A sa place s’étendait un immense chaos de roches. Le cataclysme n’avait épargné que sa pauvre demeure, engloutissant à tout jamais Faudan et ses habitants sous l’éboulis qui s’étale maintenant jusqu’à la rive de l’Arc.